5. Auto-organisation et systèmes complexes : comment la vie s’organise sans coordination centralisée

La stigmergie désigne une forme d’auto-organisation par laquelle émerge spontanément une activité d’apparence cohérente . Afin de mieux comprendre la notion de stigmergie, il devient crucial d’approfondir deux notions essentielles, à savoir auto-organisation et émergence. Ces notions constituent deux piliers d’une science récemment apparue, la pensée complexe ou pensée systémique. A ce stade, nous allons prendre un temps pour explorer ces notions essentielles. Nous commencerons par découvrir des exemples d’auto-organisation dans des systèmes naturels pour illustrer la variété des phénomènes reposant sur ce mécanisme. Nous prendrons ensuite un peu de recul dans la deuxième partie en allant explorer le domaine fascinant des systèmes complexes. Cette section, qui apporte une introduction synthétique aux systèmes complexes, apparaîtra certainement comme le plus théorique du livre avec son lot de concepts potentiellement nouveaux pour vous, et nous essaierons de montrer comment avec quelques règles simples, un système complexe devient capable de déployer et d’exprimer des comportements cohérent et très sophistiqués. Tout ceci nourrira notre réflexion afin de voir dans les chapitres suivants comment nous pouvons inventer des modèles d’organisations humaines basées sur la stigmergie.

Exemples d’auto-organisation dans la nature

Dans la nature, il existe une foule d’exemples de phénomènes d’auto-organisation nous donnerons ici un aperçu non-exhaustif, mais qui reflète la diversité et l’ubiquité de ce phénomène.

Chez les insectes

Construction chez les fourmis et termites

Comme nous l’avons décrit au chapitre précédent, la construction chez les fourmis représente un phénomène auto-organisé.

Structure d’une fourmilière découverte par des chercheurs.
Structure d’une termitière en Australie.

Optimisation de trajets chez les fourmis et termites

Nous l’avons aussi vu au chapitre précédent, la recherche de nourriture et l’optimisation de trajet chez les fourmis s’opère aussi via une auto-organisation stigmergique.

Route de circulation de fourmis légionnaires – Photos Mehmet Karatay — Travail personnel https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Safari_ants.jpg#/media/Fichier:Safari_ants.jpg

Synchronisation lumineuse chez les lucioles

Certaines espèces de lucioles clignotent de manière parfaitement synchronisée. Chaque luciole (mâle) emet un signal lumineux indépendant et a une perception limitée de son voisinage. Mais à partir d’un clignotement aléatoire, la synchronisation émerge « spontanément ».

Synchronisation lumineuse de lucioles en Malaisie. Source : http://naturepark.freeservers.com/fireflies/2christmastree.jpg

Ici encore, l’auto-organisation opère.

Chez les animaux

Déplacements synchronisés chez les oiseaux et les poissons

Vous avez déjà du voir ces comportements collectifs d’oiseaux en vol ou de bancs de poissons qui ont l’air de réagir et d’ajuster leur déplacements comme un super organisme. Il existe même un terme, l’anglicisme « murmuration » pour désigner ce regroupement dynamique d’oiseaux en vol.

« Murmuration » ce vol massif d’étourneau possède un aspect vivant qui a longtemps fasciné ses observateurs et a seulement dévoilé ses mystères très récemment.
Starling_Murmuration__cc_by_sa_Airwolfhound_800 https://www.flickr.com/photos/24874528@N04/21446738793

Le mécanisme de synchronisation derrière ce phénomène s’avère  basé sur une auto-organisation (nous en parlerons plus en détail en fin de chapitre).

Banc de poisson se déplaçant de manière coordonnée. photo de Ewar Woowar, sous licence Attribution-Pas d’Utilisation Commerciale-Partage dans les Mêmes Conditions. https://www.flickr.com/photos/ewarwoowar/1343993122

On retrouve un tel mécanisme de coordination auto-organisée dans de nombreux phénomènes de déplacements collectifs. Ainsi, en plus des murmurations, les déplacements de bancs de poissons, mais aussi de cyclistes ou encore le trafic routier s’appuient tous sur une forme d’auto-organisation.

Occupation sociale de l’espace par les animaux

L’occupation d’un même espace par différents animaux se fait lui aussi via des mécanismes d’auto-organisation (Giuggioli et al, 2013.)

Les animaux occupent le même territoire, mais avec des préférences pour des lieux et/ou des horaires différents. Ils utilisent différentes traces pour marquer ce territoire et signaler ses frontières à des partenaires ou concurrents.

Au niveau cellulaire

La cellule constitue l’unité biologique structurelle et fonctionnelle fondamentale de tous les êtres vivants connus. C’est la plus petite unité vivante capable de se reproduire de façon autonome. On retrouve des phénomènes d’auto-organisation au niveau cellulaire.

Comportement multicellulaires chez les bactéries

La stigmergie été observée chez les bactéries (organismes unicellulaires, c’est à dire normalement composé d’individus isolés) où diverses espèces sont capable de se différencier en types cellulaires distincts et de participer à des comportements collectifs sophistiqués. Des exemples spectaculaires de comportements multicellulaires ont ainsi été observés chez les myxobactéries (Note 1).

Une colonie de Myxococcus xanthus affamée forme des fructifications. Photo par Trance Gemini Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:M._xanthus_development.png

Autre exemple, chez P. aeruginosa, l’expansion du biofilm (un amas structurés de cellules bactériennes enrobés d’une matrice et attachés à une surface) se fait par auto-organisation stigmergique  (Gloag et al 2013) (Note 2).

Comportement multicellulaires chez les Amibes

Certaines amibes qui existent habituellement sous une forme individuelle (unicellulaire), peuvent dans des conditions où la nourriture vient à manquer, se regrouper et former un organisme collectif (multicellulaire) capable de se déplacer pour chercher un milieu plus favorable (Note 7).

Photo macro des fructifications de Dictyostelium discoideum en milieu de culture. Photo CC-BY-SA Tyler Larsen https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dictyostelium_discoideum_fb_2.jpg

Mouvement des microtubules, protéines du cytosquelette

En biologie moléculaire, il a été reconnu que la stigmergie expliquait l’auto-organisation des microtubules, des protéines du cytosquelette (le « squelette » des cellules) qui sont impliquées dans de nombreuses fonctions cellulaires.

Ces tubes microscopiques changent de forme et se déplacent en absorbant des protéines de tubuline à une extrémité et les relarguant à l’autre extrémité. La traînée de tubuline restant du coté qui rétrécit attire les extrémités croissantes d’autres microtubules, ce qui résulte dans la formation d’un vague cohérente de microtubules se déplaçant dans la même direction. [Glade, N. 2012; Tabony, 2006, Heylighen]

*Schéma hypothétique d’auto-organisation au niveau des microtubules individuels tel que proposé dans Glade et al (2002) ; Tabony (2006). Dans ce scénario, le désassemblage des microtubules génère des traînées concentrées de tubuline-GDP (en noir) rapidement régénérées en tubuline-GTP (en gris). Ces traînées concentrées sont des milieux favorables à la croissance préférentielle (ou nucléation) des microtubules voisins (ou nouveaux). La conséquence est la formation de réseaux de microtubules. Source : Glade, N. (2012).*

Chez les humains

Comme d’autres formes du vivant, les humains font aussi usage de mécanismes stigmergiques.

Chemins tracés par l’usage

L’un des exemples les plus simples pour comprendre la stigmergie à notre échelle reste celui des sentiers tracés par l’usage.

Nous avons déja cité aux chapitre précédent cet exemple où, sans aucune vue d’ensemble les piétons produisent collectivement une solution optimale.

Cairns / sentiers

Un cairn représente un amas artificiel de pierres placé à dessein pour marquer un lieu particulier et souvent utilisé pour baliser un sentier traversant un sol rocailleux ou aride.
Sur les entiers fréquentés, les promeneurs rajoutent leur pierre à l’édifice, ce qui facilite le repérage des suivant. Les sentiers fréquentés restant balisés, ils attirent en retour plus de passage de personnes qui elles mêmes ajoutent de nouvelles pierres, etc…

Cairns à Minerve. Ici le cairn dépasse le simple indicateur de sentier, et devient une sculpture qui attire la création d’autres sculpture. source ?

Dépôt de déchets

La dépôt de déchets semble lui aussi être une forme de stigmergie simple. Si un déchet est déposé, alors je peux déposer un autre déchet. Ce qui comme les cairns aboutit à la formation de tas. Cette forme de stigmergie a priori non souhaitable, présente pour autant un intérêt car comme les sentiers tracés par l’usage, elle semble elle aussi répondre à un besoin. On pourrait imaginer que certains collectivités locales qui combattent ce type de dépôts sauvages se servent de ce signal pour requestionner l’emplacement de leur poubelles et déchetteries.

Cadenas d’amour

Les love locks ou cadenas d’amour sont des cadenas que des couples accrochent sur des ponts ou des équipements publics de grandes villes mondiales (Paris, Rome, etc.) pour symboliser leur amour  [Cadenas d’amour sur Wikipedia].

Comme pour les cairns ou les déchets, un endroit présentant des cadenas attirent en retour d’autres cadenas.

Cadenas d’amour sur le pont des Arts à Paris.

Street art

La localisation de street art dans l’espace public fait appel lui aussi à une forme d’auto-organisation avec des boucles de rétroactions entre les pratiquants et leur audience.  Un ouvrage (MacDowall, LJ. 2015 ) a exploré la lien entre street art et stigmergie. [Note 6]

Synchronisations d’applaudissements

Dans un autre contexte, les processus impliqués dans la synchronisation des applaudissements dans un public sont proches de ceux qui permettent aux lucioles d’ajuster le rythme d’émission de leurs signaux lumineux (Moussaid, M. 2010). (Note 10)

Applaudissements – Photo de madeleine craine sur Unsplash Organisation des villes et développement urbain

Développement urbain

Vu à grande échelle, le développement urbain traditionnel possède une composante stigmergique.

Un bâtiment est construit. Puis d’autres sont construits de chaque coté. Lorsque le bâtiment initial est détruit, l’emplacement reste borné par les constructions avoisinantes, qui influencent la construction d’un futur nouveau bâtiment.

Vue aérienne d’un chemin de fer à Auch. L’urbanisation s’est construite autour de la ligne cicatrice et même si celle-ci n’existe plus, elle a « imprimé » dans le territoire une trace qui perdure encore aujourd’hui.

Dans les architectures traditionnelles on peut ainsi observer un développement très organique avec des traces très anciennes qui continuent à influencer le développement contemporain.

Autre aspect de développement urbain auto-organisé, le regroupement des professions par métiers. Dans son livre « Emergence », Steven Johnson décrit la façon dont les professions soient regroupés par métier (quartier des bouchers, des textiles, des orfèvres…) et que cette répartition soit resté très stable sur plusieurs centaines d’années n’est pas un hasard. Selon lui la ville fonctionnerai comme un dispositif de stockage et de récupération d’informations où la répartition des métiers n’est pas aléatoire, mais où les professionnels ont tendance à se regrouper par corporations ce qui facilite les économies d’agglomération, la transmission de techniques et la pollinisation croisée des idées (Note 7).

L’auto-organisation, un phénomène complexe

Pour comprendre maintenant comment fonctionne l’auto-organisation, il va nous falloir maintenant prendre un peu de recul et explorer un domaine dont les notions nous éclairerons : les sciences du complexe.

Les sciences de la complexité

Ce domaine encore en cours d’évolution, comprends de nombreuses approches comme l’explique bien Janine Guespin-Michel (2015) :

Né indépendamment dans plusieurs champs disciplinaires, le complexe a pris au départ des aspects différents, dont la similitude puis une certaine unité ne sont apparues que progressivement, et toujours partiellement.

(…)

Il n’y a donc pas de définition claire et univoque de ce terme, pas de dénomination unique pour désigner cette révolution des connaissances et des modes de pensée, mais plutôt un réseau de termes, qui se recouvrent, sans être équivalents, et qui forment d’avantage une mouvance qu’une discipline : Chaos, fractales, intelligence artificielle, pensée complexe, sciences des systèmes complexes, science des réseaux, systèmes dynamiques non-linéaires, systémique, théorie des catastrophes, théorie des niveaux, thermodynamique des structures dissipatives, cybernétique…

Nous aborderons ici le sujet de manière superficielle afin de voir quelques notions clés qui pourrons être utiles pour mieux comprendre la stigmergie.

Une partie des apports ci dessous ont été repris et traduits de la page Wikipédia anglophone, enrichis par les écrits de Fritjof Capra (1999, 2014), Donella Meadows (2014) et Janine Guespin-Michel (2015).

Les systèmes complexes : définition

Un système, défini au sens large, désigne un ensemble d’entités qui, par leurs interactions, leurs relations ou leurs dépendances, forment un tout unifié.

Dans un système simple, une cause va produire une conséquence et le comportement du système va être prédictible en comprenant les éléments qui le compose.

Les systèmes sont dits complexes quand que leurs comportements ne peuvent pas être facilement déduits des éléments qui les composent.

Ceci n’est pas simplement due à un trop grand nombre d’éléments qui rendrait difficile leur analyse, mais à une propriété intrinsèque des systèmes complexes qui les rend imprédictibles.

Il importe de bien distinguer la différence entre le terme « complexe » et le terme « compliqué ». Lorsque l’on parle de quelque chose de compliqué.

Les problèmes compliqués peuvent être difficiles à résoudre, mais ils peuvent être abordés avec des règles et des recettes. Si on ajoute suffisamment temps et de personnes on pourra comprendre son fonctionnement et résoudre le problème quand bien même le problème comprend un très grand nombre d’éléments.

A l’opposé, dans un problème complexe où de multiples variables interagissent et s’influencent mutuellement, il s’avère impossible de prédire son comportement. Quelque soie les moyens que l’on déploie, le comportement du système étant par nature imprédictible.

Les systèmes complexes possèdent de nombreuses propriétés fascinantes qui commencent à être mieux comprises par les chercheurs.

Bien qu’il n’existe pas encore de définition exacte de la complexité généralement acceptée, il existe de nombreux caractéristiques archétypales des systèmes complexes.

Caractéristiques des systèmes complexes

Les systèmes complexes peuvent avoir les caractéristiques suivantes:

Réseaux

Les composants en interaction d’un système complexe forment un réseau, qui est une collection d’objets distincts et de relations entre eux. Les réseaux peuvent décrire les relations entre des individus au sein d’une organisation, entre des ordinateurs dans un réseau informatique, entre des gènes dans un génome ou entre tout autre ensemble d’entités apparentées.

Modèle représentant une carte partielle d’Internet, basée sur les données de opte.org du 15 juin 2005. Source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Internet_map_1024.jpg
Représentation schématique d’un réseau de régulation lié à l’hormone végétale cytokinine. Certaines protéines activent la production d’autres (flèches), tandis que d’autres l’inhibent(trait barré). Les cellules possèdent des centaines de milliers de telles boucles de régulation, qui agissent toutes en interdépendance dynamique en permanence.
Modélisation du réseau de causes et d’effets influençant la stabilité de l’Afghanistan. Au delà de la qualité du modèle, qui reste discutable, cette interprétation révèle une partie de la complexité réelle du système et surtout notre difficulté à naviguer dans ce réseau de causes et de conséquences interdépendantes. Source : https://www.theguardian.com/news/datablog/2010/apr/29/mcchrystal-afghanistan-powerpoint-slide

 

Systèmes ouverts

La frontière du système est définie par rapport à l’environnement, la forme, c’est-à-dire ce qui permet de distinguer le système du « fond », est variable (dans le temps et dans l’espace) car le système se transforme en agissant. Cette frontière peut être floue (par exemple, en considérant le système complexe « un humain », à partir de quel instant la nourriture ou l’air absorbés font-ils partie du corps ? Les très nombreuses cellules bactérienne de notre flore qui vivent en symbioses étroites avec les cellules humaines font elles partie de notre organisme ?).

La plupart du temps ce qui définie la limite d’un système est une frontière arbitrairement définie par l’observateur pour simplifier la compréhension et l’analyse du système modélisé. En pratique un système n’est jamais complètement isolé de son environnement.

Les systèmes complexes sont donc des systèmes ouverts, c’est-à-dire que de la matière, de l’énergie ou des informations « entrent » ou « sortent » du système en permanence.

Parce que le système est ouvert, il agit sur son environnement et celui-ci agit sur le système.

Schéma représentant un système ouvert. Le système ouvert (Open system, en gris) s’il reste séparé de son environnement (Surroundings) par une limite (Boundary), n’est pas complètement isolé et échange en permanence des flux entrants et  sortants de matière, d’énergie ou d’information.

Hiérarchie de réseaux imbriqués

Les composants d’un système complexe peuvent être eux-mêmes des systèmes complexes. Par exemple, une économie est constituée d’organisations, composées de personnes, constituées de cellules, qui sont toutes des systèmes complexes. On parle ainsi parfois de « hiérarchie » des systèmes pour décrire le rapport entre ses imbrications. Le terme hiérarchie désigne ici une description du niveau d’échelle d’imbrication et non pas une hiérarchie pyramidale.

Schéma représentant les différents niveaux de hierarchie de systèmes dont nous faisons partie. Atomes, Molécules, Cellules, Organes, Humains, Groupes et sociétes, Terre, Système solaire, Galaxie, Univers, et au dela… Chaque niveau constitue à la fois un tout cohérent, composé de sous partie et en même temps une sous partie d’un ensemble plus vaste. Source :

Les systèmes complexes sont donc composés de réseaux de réseaux.

Les interactions des composants entre eux forment des « groupes » de composants fortement liés, chaque « groupe » étant en interaction avec les autres, ce qui permet de modéliser le système complexe par niveaux : chaque composant interagit « localement » avec un nombre limité de composants.

A ce sujet, la notion de Holon, qui désigne quelque chose qui est à la fois un tout et une partie, s’avère intéressante (Note 8).

Comportements non-linéaires

Dans les systèmes simples, un effet est toujours directement proportionnel à la cause, on parle de comportement « linéaire » De petits changements produisent de petits effets, et les grands effets sont dus soit à de grands changements, soit à une somme de nombreux petits changements.

Les systèmes complexes ont souvent un comportement « non-linéaire », ce qui signifie qu’ils peuvent répondre de différentes manières à la même perturbation en fonction de leur état ou de leur contexte.

Concrètement, cela signifie que dans un système complexe, une petite perturbation peut provoquer un effet extrêmement important, un effet proportionnel, voire aucun effet sur le système.

Boucles de rétroaction

La rétroaction (en anglais feedback) est l’action en retour d’un effet sur sa propre origine : la séquence de causes et d’effets forme donc une boucle dite boucle de rétroaction.

Une boucle de rétroaction est un dispositif qui lie l’effet à sa propre cause.

Boucle de rétroaction générale dans laquelle toutes les sorties (outputs) d’un système sont disponibles en tant qu’entrées (inputs) de ce système. CC0 GliderMaven https://commons.wikimedia.org/wiki/File:General_Feedback_Loop.svg

La rétroaction peut avoir lieu soit directement, soit indirectement à travers une chaîne d’interactions avec les autres composants, avec ou sans délai, et peuvent être négatives (produisant un effet d’atténuation, comme par exemple dans le cas du thermostat) ou positives (produisant un effet d’amplification, comme par exemple dans le cas d’une explosion).

La répétition de la réaction (réaction itérative) entraîne :

  • son amplification continuelle (cercle vertueux ou vicieux, selon que cette amplification est jugée favorable ou non), dans le cas de rétroaction positive ;
  • son extinction progressive ou non en cas de rétroaction négative.

La rétroaction existe dans de nombreux systèmes tant physiques, biologiques (équilibre des écosystèmes, endocrinologie) que sociaux (finance comportementale, psychologie sociale, sociologie).

Les boucles de rétroaction, sont une des raisons de la non-linéarité du comportement du système.

Dans les systèmes non-linéaires, de petits changements peuvent donc avoir des effets considérables car ils peuvent être amplifiés à plusieurs reprises par une rétroaction auto-renforcée. De tels processus de rétroaction non-linéaire sont à la base de l’instabilité et de l’émergence soudaine de nouvelles formes d’ordre si caractéristiques de l’auto-organisation.

Ordre spontané et auto-organisation

Le concept d’auto-organisation est de plus en plus populaire dans diverses branches de la science et de la technologie. Bien qu’il n’existe pas de définition généralement acceptée [Gershenson & Heylighen, 2003], un système d’auto-organisation peut être caractérisé par une activité globale et coordonnée découlant spontanément d’interactions locales entre les composants ou « agents » du système.

Cette activité est distribuée sur tous les composants, sans qu’un contrôleur central supervise ou dirige le comportement. Par exemple, dans un banc de poissons, chaque poisson individuel base son comportement sur sa perception de la position et de la vitesse de ses voisins immédiats, plutôt que sur le comportement d’un « poisson central » ou celui de l’ensemble du banc. L’auto-organisation établit une relation entre le comportement des composants individuels et la structure et la fonctionnalité du système dans son ensemble : des interactions simples au niveau local donnent lieu à des modèles complexes au niveau global. Ce phénomène est appelé émergence.

Lorsqu’un ordre non-planifié appairait par émergence, on parle d’ordre spontané (en sciences sociales) ou d’auto-organisation (en sciences physiques). Un tel comportement spontané peut être observé dans le comportement du troupeau, un groupe d’individus coordonnant ses actions sans planification centralisée comme nous l’avons vu dans les exemples précédents.

L’auto-organisation est visible dans la symétrie globale de certains cristaux, par exemple la symétrie radiale apparente des flocons de neige, qui résulte de forces attractives et répulsives purement locales entre les molécules d’eau et entre les molécules d’eau et leur environnement.

La formation de motifs fractals symétriques complexes dans les flocons de neige est un exemple d’émergence dans un système physique.

Motifs de flocon de neige. Image Wilson Bentley. (domaine public) https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Bentley_Snowflake11.jpg

Émergence

Une autre caractéristique commune des systèmes complexes est la présence de comportements et de propriétés émergents: ce sont des traits d’un système qui ne sont présents dans aucun de ses composants pris isolément mais qui résultent des interactions, dépendances ou relations qu’ils forment lorsqu’ils sont placés ensemble dans un système.

Par exemple, les termites dans un monticule ont un niveau d’analyse de la physiologie, de la biochimie et du développement biologique, mais leur comportement social et la construction d’un monticule sont une propriété qui émerge de la collection de termites et doit être analysé à un niveau supérieur. Autre exemple, les propriétés de l’eau ne sont pas réductibles à celles de l’hydrogène ou de l’oxygène qui composent pourtant la molécule d’eau (Note 11).

Les automates cellulaires sont un exemple de systèmes complexes dont les propriétés émergentes ont été étudiées de manière approfondie.

Dans un automate cellulaire, une grille de cellules, ayant chacune un nombre infini d’états, évolue dans le temps selon un ensemble de règles simples. Ces règles guident les « interactions » de chaque cellule avec ses voisins. Bien que les règles ne soient définies que localement, elles se sont révélées capables de produire un comportement global intéressant.

Le jeu de la Vie (Game of Life) est un automate cellulaire – devenu un jeu de simulation mathématique – imaginé par John Horton Conway en 1970. Il produit des comportements émergents complexes à partir de règles simples : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_de_la_vie

Adaptabilité

Les systèmes adaptatifs complexes sont des cas particuliers de systèmes complexes qui sont adaptatifs en ce sens qu’ils ont la capacité de changer et d’apprendre de l’expérience. Des exemples de systèmes adaptatifs complexes incluent la bourse, les colonies sociales d’insectes et de fourmis, la biosphère et l’écosystème, le cerveau et le système immunitaire, la cellule et l’embryon en développement, les villes, les industries manufacturières et toute entreprise basée sur un groupe social humain dans un système culturel et social tel que les partis politiques ou les communautés.

Mémoire

L’histoire d’un système complexe peut être importante. Les systèmes complexes étant des systèmes dynamiques, ils changent avec le temps et leurs états antérieurs peuvent avoir une influence sur leurs états actuels. Plus formellement, les systèmes complexes présentent souvent des défaillances et des processus de récupération spontanés, ainsi que des états dits « d’hystérésis »  où la réponse du système n’est pas la même selon son historique (Emergence, Wikpédia).

Auto-similarité dans les structures fractales

A la fin des années 50, Benoît Mandelbrot commença à étudier la géométrie d’une grande variété de phénomènes naturels et réalisa que toutes ces formes géométriques avaient des caractéristiques communes.

Durant les années suivantes, il inventa un nouveau type de mathématique pour décrire et analyser ces propriétés. Il inventa la terme « fractales » pour caractériser son invention et publia ses résultats dans un livre spectaculaire The fractal geometry of nature (Mandelbrot 1983) qui eu une influence énorme sur les mathématiciens qui étudiaient les systèmes non-linéaires.

L’une des propriétés les plus frappantes des fractales est que leur motif caractéristique se retrouve de manière répétée à différentes échelles. Ainsi leurs parties à n’importe quelle échelle ont une forme similaire au tout.

Gros plan de chou Romanesco. Chaque partie est similaire à l’ensemble. https://fr.wikipedia.org/wiki/Chou_romanesco

Mandelbrot illustre cette propriété d’auto-similarité en cassant une pointe de choux romanesco et en montrant que ce morceau en lui même ressemble exactement à un petit romanesco. Il répète cette démonstration en coupant de nouveau ce morceau sortant une nouvelle partie qui de nouveau ressemble à un très petit romanesco (Capra et Luisi, 2014). De nombreux exemples d’auto-similarité existent dans la nature (Note 10).

Stigmergie, complexité et auto-organisation

Les systèmes stigmergiques sont des systèmes complexes (Muffato et Faldani, 2003). Il s’avère donc intéressant de s’appuyer sur les connaissances actuelles des systèmes complexes pour mieux comprendre la stigmergie, en particulier de comprendre une notion cruciale, celle d’auto-organisation.

Quatre éléments pour l’auto-organisation

Par quels moyens des centaines, voire des milliers d’individus parviennent-ils à coordonner à ce point leur activité sans se référer à un système de contrôle centralisé ? Dans sa thèse, Medhi MOUSSAID (2010) donne une explication très claire :

Un processus d’auto-organisation peut être défini comme l’émergence spontanée d’une structure à grande échelle à partir d’interactions locales entre les sous-unités du système. De plus, les règles spécifiant les interactions entre les composants du système sont exécutées en utilisant uniquement des informations locales, sans référence au modèle « global » (Bonabeau et al.,1997). L’organisation distribuée implique qu’aucun agent interne ou externe ne supervise le processus et que le modèle collectif n’est pas explicitement codé au niveau individuel. En outre, les propriétés émergentes du système ne peuvent pas simplement être comprises comme la somme des contributions individuelles. L’auto-organisation est un concept clé pour comprendre la relation entre les interactions interindividuelles locales et les modèles collectifs.

 

Un processus auto-organisé repose sur quatre éléments de base :
1. Une boucle de rétroaction positive,
2. Une boucle de rétroaction négative,
3. Des fluctuations aléatoires
4. De multiples interactions directes ou indirectes

 

Sur la base de ces quatre ingrédients, il a été possible de décrire et d’expliquer de nombreux comportements collectifs observés chez les insectes sociaux et dans les sociétés animales (Camazine et al., 2001 ; Couzin & Krause, 2003). Le concept d’auto-organisation permet donc d’élucider la relation non intuitive entre l’apparente simplicité comportementale des membres d’un groupe et la complexité des résultats collectifs qui émergent de leurs interactions.

Liens entre stigmergie, complexité et sélection naturelle

Francis Heylighen (2015) fait aussi un lien entre sélection naturelle et stigmergie en suggérant que :

« (…) la stigmergie est un autre type de mécanisme permettant de générer une organisation complexe et un comportement intelligent, qui est lié à la fois à la sélection naturelle et à l’auto-organisation, mais qui possède des caractéristiques distinctes qui lui sont propres et qui peuvent résoudre certains problèmes en suspens avec ces explications proposées précédemment. »

L’experte des systèmes Donnela Meadows (2008) explique comment auto-organisation repose sur un système d’expérimentation et de sélection :

Ces règles régissent essentiellement comment, où et quoi le système peut s’ajouter ou se soustraire à lui-même dans quelles conditions. Comme des centaines de modèles informatiques l’ont démontré, des modèles complexes et ravissants peuvent évoluer à partir d’ensembles de règles très simples.

 

Le code génétique de l’ADN, qui est à la base de toute l’évolution biologique, ne contient que quatre lettres différentes, combinées en mots de trois lettres chacun. Ce modèle, et les règles pour le reproduire et le réarranger, sont constants depuis environ trois milliards d’années, au cours desquelles ils ont produit une variété inimaginable de créatures auto-évoluées, qu’elles aient échoué ou qu’elles aient réussi.

 

L’auto-organisation est essentiellement une question de matière première évolutive – un stock d’informations très variable à partir duquel il est possible de sélectionner des modèles possibles – et un moyen d’expérimentation, de sélection et de test de nouveaux modèles.

 

Lorsque vous comprenez le pouvoir de l’auto-organisation des systèmes, vous commencez à comprendre pourquoi les biologistes vénèrent la biodiversité plus encore que les économistes vénèrent la technologie. Le stock extrêmement varié d’ADN, qui a évolué et s’est accumulé au cours de milliards d’années, est la source du potentiel d’évolution, tout comme les bibliothèques scientifiques, les laboratoires et les universités où sont formés les scientifiques sont la source du potentiel technologique. Permettre l’extinction d’espèces est un crime systémique, tout comme le serait l’élimination radicale de toutes les copies d’une revue scientifique particulière ou de certains types de scientifiques. On pourrait dire la même chose des cultures humaines, bien sûr, qui sont la réserve de répertoires comportementaux, accumulés non pas sur des milliards, mais sur des centaines de milliers d’années.

Récursivité et itérations de règles simples dans les structures fractales

Quand Mandelbrot a découvert les fractales, il a montré qu’il était possible de modéliser des phénomènes extrêmement complexes à partir de paramètres relativement simples.

La principale technique pour construire des figures géométriques qui modélisent les formes fractales qui existent dans la nature, est l’itération – c’est à dire la répétition de certaines opérations géométriques encore et encore.

Fritjof Capra (Capra 2014) qui fait le lien entre différents sciences de la complexité explique que le processus d’itération (latin pour la répétition), est un élément clé liant la théorie du Chaos (une théorie systémique) et la géométrie fractale.

On peut illustrer cette propriété avec le flocon de Koch, une figure fractale utilisant un procédé simple de récursivité.

Courbe de Koch -À l’étape initiale, on a un triangle équilatéral. L’étape suivante consiste à construire trois triangles équilatéraux en prenant pour base le tiers central de chacun des côtés du triangle initial.
En répétant cette opération encore et encore sur des échelles de plus en plus petites, un flocon de neige dentelé est créé.  https://fr.wikipedia.org/wiki/Flocon_de_Koch

La courbe de Koch devient infiniment longue si l’itération se poursuit à l’infini et peut être considérée comme un modèle très approximatif d’un littoral.

Et pourtant cette structure, dont la richesse défie l’imagination humaine, est générée par quelques règles très simples.

En mathématiques classiques, les formules simples correspondent à des formes simples; des formules compliquées à des formes compliquées.

Dans la dynamique non-linéaire, la situation est radicalement différente et des règles simples donnent naissance à des structures plus compliquées que tout ce que nous sommes capable d’imaginer.

Cette répétition de règles simples multipliées de nombreuses fois est ce qui se produit dans une boucle de rétroaction positive.

Exemples de règles d’auto-organisation

Maintenant que nous avons vu comment l’auto-organisation peut émerger à partir de la récursivité de quelques règles simples, voyons des exemples de règles existantes dans quelques uns des phénomènes auto-organisés décrits précédemment.

Construction chez les termites

Pierre-Paul Grassé publia ses travaux en 1959. Selon lui, les termites ne sont pas assez intelligents pour communiquer de manière symbolique et coordonner leur actions. Ils se contentent plutôt d’appliquer mécaniquement trois règles.

1. Semer des boulettes aléatoirement
2. Quand une boulette est trouvée , en poser une autre dessus tant que c’est possible (ce qui fixe une hauteur maximale).
3. Quand deux colonnes de hauteur maximale sont proches, essayer de les connecter.

Recherche de nourriture chez les fourmis

Deux règles semblent à l’oeuvre dans l’optimisation de chemins chez les fourmis :

  1. Dépôt de phéromones : Explorer aléatoirement en déposant des phéromones.
  2. Suivi de phéromones : Suivre le chemin ayant le plus de phéromone.

Medhi Moussaid a très bien décrit comment ces règles aboutissent à la sélection de chemins optimaux (Note 12)

Formation de pistes / chemins optimisés

  1. Piétinement de l’herbe : Choisir le chemin le plus direct et/ou le plus facile en marchant sur l’herbe.
  2. Suivie de l’herbe piétinée : Si l’herbe apparaît piétinée, suivre le même chemin et marcher sur l’herbe ou la trace.

Moussaid nous montre comment les boucles de rétroaction positives et négatives sont à l’œuvre dans la formation de parcours optimisés chez les humains ou les fourmis (Note 13).

Déplacements coordonnés (nuées d’oiseaux, bancs de poissons)

Des modèles informatiques ont bien décrit le mécanisme à l’œuvre. Les murmuration hypnotiques des oiseaux ont été reproduites par la simulation « Boid » de Craig Reynold en utilisant seulement trois comportements de base : Séparation, Alignement et Cohésion.

En effet, la complexité comportementale résulte ici de l’interaction d’agents individuels (appelés _boids_) respectant un nombre limité de règles simples, telles que :

la cohésion : pour former un groupe, les boids se rapprochent les uns des autres ;
la séparation : 2 _boids_ ne peuvent pas se trouver au même endroit au même moment ;
l’alignement : pour rester groupés, les boids essayent de suivre un même chemin.

De la même manière, dans un banc de poissons, chaque poisson individuel fonde son comportement sur sa perception de la position et de la vitesse de ses voisins immédiats, plutôt que sur le comportement d’un «poisson central» ou de l’ensemble du banc.

Organisation des villes

Thierry Crouzet (Le peuple des connecteurs, 2007) explique les règles identifiées par l’économiste Paul Krugman :

Nos villes, surtout pour la plupart nos villes d’art, ne résultent d’aucune planification systématique. (…)

 

L’économiste Paul Krugman proposa, en 1995, un modèle mathématique pour expliquer leur structure, du moins celle des zones marchandes. Il découvrit que les entreprises obéissaient à deux contraintes.

1. s’installer près des concurrents pour partager leur clientèle et recourir aux même services qu’eux.
2. S’installer loin des autres pour disposer de terrain moins chers et conquérir de nouveaux clients.
Ces deux règles expliquent la formation des centres d’affaires, avec chacun leur spécialité, et comment les villes s’étendent toujours plus loin.

 

Leur croissance, comme celle d’un organisme, repose sur des règles en nombre fini mais n’en engendre pas moins la diversité.

Synchronisation de rythme

Moussaid 2010 : un public peut synchroniser collectivement ses applaudissements (Néda et al., 2000b) comme les lucioles synchronisent leurs clignotements (Buck & Buck, 1976).

  1. Émission de signal : émettre un signal lumineux ou taper dans les mains
  2. Cohésion : Augmenter/diminuer sa fréquence pour se rapprocher de ses voisins proches

Au bout d’un certain temps, une synchronisation globale apparait (note 11)

Flocon de Koch

Le flocon de Koch, un modèle décrivant la structure d’un flocon de neige peut aussi être décrite une règle très simple :

Imaginer un triangle avec 3 cotés égaux (équilatéral), et ajouter au milieu de chaque coté un autre triangle équilatéral, d’un tiers de la taille du premier.

Répétez l’opération et ajouter à chacun des nouveaux cotés un autre triangle, un tiers plus petit et vous obtiendrez un flocon de Koch. répétez encore et vous obtiendrez un modèle proche de la courbe d’un littoral.

Tableau récapitulatif des règles d’auto-organisation

Système auto-organisé Règles d’auto-organisation
Construction chez les termites Dépot de boue :

Les termites déposent des particules de boue lorsqu’elles rencontrent d’autres particules ou phéromones.

Empilement :

Quand une boulette est trouvée , en poser une autre dessus tant que c’est possible (ce qui fixe une hauteur maximale).

Connexion :

Quand deux colonnes de hauteur maximale sont proches, essayer de les connecter.

Optimisation de recherche de nourriture et de trajet chez les fourmis Dépôt de phéromones :

Explorer aléatoirement en déposant des phéromones.

Suivi de phéromones :

Suivre le chemin ayant le plus de phéromones

Chemin tracés par l’usage Piétinement de l’herbe :

Choisir le chemin le plus direct et/ou le plus facile en marchant sur l’herbe.

Suivi de l’herbe piétinée :

Si l’herbe apparaît piétinée, suivre le même chemin et marcher sur l’herbe ou la trace.

Sentiers balisés par des cairns Dépôt de pierre :

Lorsque vous rencontrer un cairn, déposer une nouvelle pierre.

Suivi de cairns :

suivez les cairns pour trouver le bon chemin

Organisation des Amibes Dépot d’AMPc :

Se déplacer en produisant des molécules d’AMPc

Suivi de l’AMPc :

suivre le gradient d’AMPc

A un certain seuil de concentration déclencher une réponse plus sophistiquée de comportement collectif
Organisation des bactérie Pseudomonas Aeruginosas Dépôt d’ADN :

Se déplacer aléatoirement ou en suivant le chemin le plus accessible/facile dans la structure physique du milieu et déposer des molécules d’ADN extracellulaires.

Suivi d’ADN :

Suivre le gradient d’ADN extracellulaires.

A un certain seuil de concentration déclencher une réponse plus sophistiquée de comportement collectif
Synchronisation de vol Boids / oiseaux / poissons cyclistes Alignement :

essayer de suivre un même chemin, une même direction.

Séparation :

Garder une distance minimale.

Cohésion :

Se rapprocher les uns des autres.

Organisation des zones Marchandes Proximité/cohésion :

s’installer près des concurrents pour partager leur clientèle et recourir aux mêmes services qu’eux.

Séparation/distance :

S’installer loin des autres pour disposer de terrain moins chers et conquérir de nouveaux clients.

Synchronisation des lucioles/applaudissement Émission de signal :

émettre un signal lumineux ou taper dans les mains

Cohésion :

Augmenter/diminuer sa fréquence pour se rapprocher de ses voisins

Régulation du Trafic routier Proximité :

se rapprocher de la voiture de devant.

Séparation :

ajuster sa vitesse pour garder une distance de sécurité

Flocon de Koch Ajout de triangles : dans triangle avec 3 cotés égaux (équilatéral), ajouter au milieu de chaque coté un autre triangle équilatéral, d’un tiers de la taille du premier.
Automates Cellulaires (Jeu de la Vie de Conway) Survie :

Une cellule vivante avec 2 ou 3 voisins vivants reste vivante.

Naissance :

Une cellule morte avec exactement 3 voisins vivants devient vivante.

Mort :

Dans tous les autres cas, la cellule meurt ou reste morte.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons vu plusieurs notions dont certaines peuvent vous paraître déroutantes ou difficiles à appréhender.

En effet, ces notions ne nous ont pas été enseignées à l’école et nous ne les rencontrons pas souvent dans notre vie quotidienne.

Vous l’avez vu dans ce chapitre, les phénomènes d’auto-organisation sont omniprésents et s’avèrent essentiels au fonctionnement des systèmes vivants.

Pourtant ces phénomènes d’auto-organisation sur lesquels repose la stigmergie ne peuvent être compris sans les outils conceptuels de la complexité.

Plus important encore, tenter de mettre la stigmergie au service d’un monde plus socialement équitable et plus écologiquement durable ne pourra pas se faire sans changer nos paradigmes, les modes de pensée qui façonne nos sociétés.

Sans avoir besoin de devenir tous des experts de la complexité, nous devrions tous développer une éco-littératie c’est à dire une aptitude à comprendre et à utiliser les principes de fonctionnement des systèmes vivants. [Capra, 1999]

C’est ce que nous verrons dans le chapitre 6. La nécessité de changer de paradigme.

 

Notes

 

  1. Les myxobactéries voyagent en essaims composés de nombreuses cellules bactériennes agrégées par des signaux intercellulaires. La plupart des myxobactéries sont prédatrices: les individus bénéficient de l’agrégation car elle permet l’accumulation d’enzymes extracellulaires utilisées pour digérer des micro-organismes proies.Quand la nourriture devient rare, les cellules myxobactériennes s’agrègent en organes fructificateurs, dans lesquels les cellules de l’essaim se transforment en mixospores dormant aux parois épaisses. On pense que ce processus est bénéfique pour les myxobactéries en permettant la reprise d’une croissance en essaim plutôt qu’en cellules isolées [Wikipedia, myxobactéries].
  2. Il y aurait deux formes de stigmergie à l’œuvre dans le phénomène d’expansion du biofilm (Gloag et al.; 2015):
    • la première liée à la structure physique du milieu : les bactéries circulant dans le milieu crée un passage (similaire aux chemins tracés par la circulation des animaux) qui favorise la circulation d’autres bactéries par le même passage, aboutissant à l’organisation de patterns caractéristiques selon la bactérie.
    • la deuxième lié à la concentration d’un gradient d’une molécule chimique dans le milieu (des molécules d’ADN extracellulaires, qui jouerait un rôle similaire aux gradients de phéromones utilisées par les insectes sociaux). Ces molécules jouent un rôle d’attracteur et, au delà d’un certain seuil, déclenche des réponses spécifiques au sein des individus.Auto-organisation stigmergique des communautés bactériennes. (a) Biofilm interstitiel de Pseudomonas aeruginosa imagé à l’aide d’un microscope à contraste de phase illustrant la formation d’un modèle émergent. Au bord de l’avancement sont des radeaux de cellules qui initient l’expansion du biofilm, derrière lequel il y a un réseau interconnecté en forme de treillis de pistes cellulaires. La barre d’échelle indique 50 μm. (b) Image 3D du réseau de sillons interconnectés sous-jacent aux biofilms interstitiels de P. aeruginosa, obtenue par microscopie à force atomique (AFM) à l’intérieur du réseau en treillis. L’échelle de hauteur est relative. (c) Les biofilms interstitiels de P. aeruginosa exprimant la protéine fluorescente cyan (CFP ; bleu) ont été cultivés sur un milieu complété par le colorant d’acide nucléique imperméable aux cellules TOTO-1 pour visualiser l’ADNe (jaune) et imagés à l’aide de la microscopie à grand champ OMX BLAZE. La barre d’échelle indique 5 μm. Communautés d’essaimage de (d) Pr. vulgaris et (e) M. xanthus cultivées sur un milieu nutritif semi-solide et imagées à l’aide d’un microscope à contraste de phase révélant les traînées lumineuses de phase couramment observées sur le bord d’attaque. La barre d’échelle est de 100 μm.
  3. Thierry Crouzet dans son livre Le Peuple de connecteurs (Crouzet, 2007) a joliment raconté l’histoire de cet organisme pas comme les autres .

    A la fin de l’été, si vous vivez à la campagne, vous avez peut être l’habitude de cueillir des champignons. Vous connaissez des coins à cèpes, à girolles ou à morilles. Vous vous y rendez en songeant à la poêlée, à peine aillée et persillée que vous dégusterez à midi. Mais un jour, sous un vieux chêne, vous risquez de vous retrouver nez à nez avec une minuscule masse spongieuse, sorte de déjection animale souvent orangée. Le lendemain, si vous revenez au pied du chêne, vous retrouverez la même masse dégoûtante. Vous serez alors peut être horrifié en constatant qu’elle s’est déplacée de quelques centimètres dans la nuit, animée par une reptation imperceptible. Un jour enfin, vous serez libéré de cette monstruosité qui aura disparu, comme si un cueilleur moins scrupuleux que vous s’en était emparé; à moins qu’un biologiste ne soit passé par là et se soit émerveillé de découvrir un Dictyostellium discoideum.

     

    Cette créature au nom barbare est l’une des plus passionnantes que nous connaissions. Elle possède la propriété extraordinaire de ne pas exister en tant que telle: elle résulte de l’agrégation d’une myriade d’amibes unicellulaires qui se rassemblent lorsque les bactéries dont elles se nourrissent viennent à manquer. La colonie forme alors un nouvel organisme qui rampe à la façon d’un ver jusqu’à trouver un nouvel endroit lumineux et chaud. Là, elle se transforme en champignon à la tête remplie de spores. Dès que les conditions deviennent favorables, la tête explose et les spores donnent naissance à de nouvelles amibes. Chacune vivra indépendamment jusqu’à ce que les bactéries manquent et que de nouvelles colonies se constituent.

    Pendant longtemps, les mycologues supposèrent que les amibes répondaient aux ordres de quelques amibes en chef, ordres transmis grâce à une phéromone appelée AMP cyclique.

    Comme les ornithologues qui étudiaient les formations de vols des oiseaux, ils étaient incapables d’imaginer un régime décentralisé chez les amibes et cherchaient parmi elles des rois, des dictateurs ou des ministres: ils ne les découvrirent jamais.

     

    En 1969, la biologiste moléculaire Evelyn Fox et le mathématicien Lee Segel démontrèrent que les potentats n’existent pas : en temps de crise, l’AMP cyclique libéré par chacune des amibes suffit à attirer les autres amibes qui se suivent à la trace jusqu’à se rassembler. Des organismes unicellulaires sont capables de s’auto-organiser et de créer temporairement un organisme multicellulaire.

  4. Selon MacDowall, LJ. (2015) :

« Ce chapitre explore le fonctionnement du graffiti et du street art dans l’espace public en considérant leur relation avec la notion de stigmergie, une théorie dérivée du comportement des insectes qui explique comment les actions des agents individuels au sein des populations sont coordonnées sans communication directe. L’application de la stigmergie met en lumière un certain nombre d’aspects négligés de l’art de la rue, à savoir son regroupement spatial, son incitation à l’interaction, les publics actifs qu’il produit et son existence en tant que « scène culturelle », basée non pas sur des objets d’art fixes mais sur des formes qui suscitent des contributions collectives continues. »

5.Selon Moussaid (2010) :

« À l’instar du comportement des poissons dans les bancs, les gens ont tendance à ajuster leur activité en fonction des informations moyennes qu’ils reçoivent de leur environnement proche. Au début, de petits groupes d’individus synchronisés peuvent apparaître par hasard. Cette information localement plus forte produit alors une boucle de rétroaction positive : plus les individus s’accordent localement sur un rythme d’applaudissements, plus leur influence sur les autres membres de l’auditoire est forte. Il en résulte une propagation et une amplification de l’activité rythmique commune parmi les spectateurs, et l’ensemble du public parvient finalement à un consensus sur son rythme d’applaudissements. Ce processus de renforcement est largement répandu dans d’autres systèmes naturels (Strogatz, 2003). Sur la base de mécanismes similaires, certaines espèces de lucioles peuvent parvenir à une synchronisation clignotante. »

6. Moussaid :

Lorsqu’un public manifestant son appréciation après une bonne performance passe soudainement d’applaudissements incohérents à des applaudissements coordonnés et rythmés. Bien qu’aucun rythme particulier ne soit imposé par un quelconque contrôle, une fréquence et une phase d’applaudissements communes émergent de l’interaction entre les personnes.

Les spectateurs interagissent par le biais du signal acoustique produit par chaque claquement de mains et entendu par les autres spectateurs. De cette manière, les gens communiquent leur rythme d’applaudissements à leurs voisins et acquièrent des informations sur le rythme adopté par les autres personnes autour d’eux. [Note xx]

7. Steven Johnson :

« Des entreprises partageant les mêmes idées se regroupent parce qu’il existe des incitations financières – ce que les universitaires appellent les économies d’agglomération – permettant aux artisans de partager des techniques et des services dont ils ne pourraient pas nécessairement bénéficier seuls. Ce regroupement devient un cycle qui se perpétue : les consommateurs et les employés potentiels ont plus de facilité à trouver les biens et les emplois qu’ils recherchent; les informations partagées rendent les entreprises regroupées plus compétitives que les entreprises isolées. (…). Mais les villes ont également un objectif latent: fonctionner en tant que dispositifs de stockage et de récupération d’informations. Les villes créaient des interfaces conviviales des milliers d’années avant que quiconque ne rêve à l’ordinateur numérique. Les villes rassemblent les esprits et les placent dans des emplacements cohérents. Les cordonniers se rassemblent près d’autres cordonniers et les fabricants de boutons près d’autres fabricants de boutons. La circulation fluide des idées et des biens au sein de ces groupes permet une pollinisation croisée productive, garantissant que les bonnes idées ne disparaissent pas dans l’isolement rural. (…)

Le système de voisinage d’une ville fonctionne comme une sorte d’interface utilisateur pour la même raison que les interfaces informatiques traditionnelles : il existe des limites au nombre d’informations que notre cerveau peut traiter à un moment donné.

Nous avons besoin d’interfaces visuelles sur nos ordinateurs de bureau, car la quantité d’informations stockées sur nos disques durs – sans parler du Net lui-même – dépasse largement la capacité de charge de l’esprit humain.

Les villes sont une solution à un problème comparable, tant au niveau collectif que individuel.

Les villes stockent et transmettent de nouvelles idées utiles à l’ensemble de la population, en veillant à ce que les nouvelles technologies puissantes ne disparaissent pas une fois inventées. Mais les groupes de quartiers auto-organisés servent également à rendre les villes plus intelligibles pour les individus qui les habitent (…). La spécialisation de la ville la rend plus intelligente, plus utile pour les personnes qui l’habite. Et ce qui est extraordinaire encore, c’est que cet apprentissage émerge sans que personne ne le sache. » (Extrait de [Emergence, steven Johnson]).

8. Selon Wikipédia,

Un holon est un système (ou phénomène) dissipatif, évoluant et autopoïétique, composé d’autres holons, dont la structure existe à un point d’équilibre entre ordre et chaos. Il est entretenu par le débit de matière-énergie et d’information-entropie aux autres holons. Un holon est à la fois un ensemble lui-même et est en même temps inclus dans un autre holon dont il est un constituant. Il est donc une part de quelque chose plus grand que lui-même. Un holon étant intégré à des ensembles plus grands, il est influencé par ces ensembles, en même temps qu’il les influence. De la même façon, il est influencé par eux et influence les sous-systèmes qu’il contient.* https://fr.wikipedia.org/wiki/Holon_(philosophie)

On parle aussi de « Small-world » networks (réseaux de « petit monde » pour décrire ces zones de réseaux comprenant de nombreuses interactions locales et un nombre réduit de connexions avec les autres parties du système.

Les systèmes complexes naturels présentent souvent de telles topologies. Dans le cortex humain, par exemple, nous observons une connectivité locale dense et quelques projections d’axones très longues entre des régions situées à l’intérieur du cortex et d’autres régions du cerveau.

9. L’hystérésis désigne le phénomène où la réponse d’un système à un stimulus dépend de son historique, pas seulement des conditions actuelles.

10. Voir une liste d’exemples ici : https://neicureuil.github.io/Images-Fractales/site/nature.html . Sur la géométrie fractale, voir aussi : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03842481v1/file/GABORIEAU_Suzon_Memoire_M2.pdf

11. Moussaid :

(…) lorsqu’un public manifestant son appréciation après une bonne performance passe soudainement d’applaudissements incohérents à des applaudissements coordonnés et rythmés. Bien qu’aucun rythme particulier ne soit imposé par un quelconque contrôle, une fréquence et une phase d’applaudissements communes émergent de l’interaction entre les personnes.

 

Les spectateurs interagissent par le biais du signal acoustique produit par chaque claquement de mains et entendu par les autres spectateurs. De cette manière, les gens communiquent leur rythme d’applaudissements à leurs voisins et acquièrent des informations sur le rythme adopté par les autres personnes autour d’eux.

 

À l’instar du comportement des poissons dans les bancs, les gens ont tendance à ajuster leur activité en fonction des informations moyennes qu’ils reçoivent de leur environnement proche.

 

Au début, de petits groupes d’individus synchronisés peuvent apparaître par hasard. Cette information localement plus forte produit alors une boucle de rétroaction positive : plus les individus s’accordent localement sur un rythme d’applaudissements, plus leur influence sur les autres membres de l’auditoire est forte. Il en résulte une propagation et une amplification de l’activité rythmique commune parmi les spectateurs, et l’ensemble du public parvient finalement à un consensus sur son rythme d’applaudissements. Ce processus de renforcement est largement répandu dans d’autres systèmes naturels (Strogatz, 2003). Sur la base de mécanismes similaires, certaines espèces de lucioles peuvent parvenir à une synchronisation clignotante des lucioles

La synchronisation lumineuse des lucioles se fait par un ajustement local au voisinage. Lorsqu’elle « détecte » un conflit avec ses voisins, une luciole peut :

  • Pousser/tirer ou réinitialiser sa phase
  • Augmenter/diminuer sa fréquence

12. Moussaid :

On interprète ainsi les phénomènes d’auto-organisation chez les insectes sociaux à la lumière de quatre mécanismes principaux :
1. L’existence d’interactions multiples (nombreuses fourmis se déplaçant au hasard à la recherche de nourriture).
2. L’amplification par la rétroaction positive. (phéromones déposées attirent d’autre qui fourmis qui déposent des nouvelles phéromones: effet boule de neige)
3. La rétroaction négative (évaporation des phéromones et/ou nourriture épuisée n’attirant plus de nouveau dépôts de phéromones).
4. L’amplification des fluctuations. (Exemple, la fluctuation engendrée par une fourmi quittant la piste et découvrant une ressource riche est amplifiée par la boucle de rétroaction positive qui se met ensuite en place).

13. Moussaid 2010 [Moussaid p72]

Des études soutiennent l’idée qu’une dynamique auto-organisée est à l’origine de la formation des sentiers par les humains. Il existe donc des analogies fondamentales dans les mécanismes qui sous-tendent la formation des sentiers de piétons et de fourmis. Les gens modifient leur environnement par leurs pas et, en même temps, se sentent attirés par cette modification.

 

Les pistes naissantes sont renforcées par une boucle de rétroaction positive qui donne finalement naissance à des modèles persistants. Les phéromones d’évaporation dans les pistes de fourmis jouent le même rôle que la végétation régénératrice dans les sentiers pédestres, en contrebalançant l’effet d’amplification précédent.

 

Les piétons profitent également des sentiers qu’ils produisent. Sans vision d’ensemble de leur environnement, les gens trouvent collectivement un bon compromis en termes de chemins courts mais confortables reliant plusieurs points d’entrée et de sortie.

Notes sur l’écriture

L’écriture de ce chapitre s’est révélé passionnante, mais longue et complexe du fait du sujet traité. En effet, si je pense avoir bien compris la plupart des notions que j’étudie depuis de nombreuses années, je ne suis pas un spécialiste avec un grand recul sur le sujet et arriver à transmettre ces notions de manière simples et accessible s’est avéré laborieux.

J’avais au départ entamé le chapitre en démarrant directement par les notions de systèmes complexes, puis il m’a semblé plus pertinent de commencer par donner des exemples concrets d’auto-organisation dans la nature avant de revenir sur les aspect plus abstrait de théorie des systèmes.

J’avais au départ beaucoup de contenu et de citation que je trouvais extremement interessants et que je souhaitai garder, mais j’ai réussi à rédiger des paragraphes courts en releguant ces citations dans les notes de bas de page, ce qui me semble un bon équilibre pour ne pas noyer les personnes tout en laissant une possibilité d’exploration.

Enfin je voulais produire pour la partie finale un tableau comparant les règles d’auto-organisation mise en œuvre dans différents systèmes pour pouvoir les présenter en parallèle dans un tableau récapitulatif qui montre comment différents comportements complexes émergent à partir de quelques règles simples.

Après avoir passé un certain temps sur le sujet avec des difficultés à reformuler de manière homogène, j’ai tenté une petite expérimentation. J’ai utilisé chatGPT pour obtenir une synthèse avec des exemples. Les résultats s’avèrent à la fois intéressants et problématiques. Intéressant car le programme a résumé sous une format homogène les règles et proposé des exemples auxquels je n’avais pas pensé. Problématique car je ne suis pas sur de la validité de certains de ces exemples. Un nouveau prompt demandant une liste de références pour chaque exemple ajoute une option intéressante puis qu’il fournit une piste de référence scientifique à explorer pour vérifier la validité de l’affirmation. Mais on touche aussi à des aspects subtils de validité de l’affirmation. Sur certains exemples, l’information semble juste et correcte scientifiquement, tandis que sur d’autres il semble qu’il y ait des omissions et qu’un travail de recherche approfondie s’avère essentiel. Mais si ici j’ai déjà suffisamment de bases pour vérifier rapidement ce qui semble valide et ce qui reste à vérifier plus en profondeur, sur un sujet non-maitrisé, il devient aisé d’avoir de profondes erreurs avec une apparence d’objectivité scientifique. Sachant qu’a ceci s’ajoute le fait qu’aucune connaissance scientifique ne peut se prétendre réellement objectif (voir à ce sujet la notion de « Connaissance située » de Donna Harraway https://fr.wikipedia.org/wiki/Connaissance_situ%C3%A9e ) et que le corpus de chatgpt comporte des biais à la fois à travers le choix des sujets étudiés par les chercheurs (les sujets de recherche restent majoritairement choisies par des occidentaux et financés par des entreprises privés) et les corpus accessibles au modèle de langage. Mais comme en plus, les questions que nous posons portent aussi en elles des biais et qu’il semble vraisemblable que le programme s’appuie sur nos requêtes passées (et donc s’adapte à nos attentes en renforçant certains biais dans ses réponses) cela pose de grosses questions sur la production de connaissances. Bref, comme indiqué dans le préambule, la question du sens, reste essentielle.

Ceci étant dit, il reste possible que j’utilise encore chatgpt dans mon processus d’écriture. Car même si le développement massif et rapide de technologies IA me pose de gros problème, j’aime expérimenter et je suis curieux savoir de quoi je parle par expérience directe.

J’utilise régulièrement DeepL pour traduire automatiquement certains textes long que je cite, mais je veille à relire et à corriger les eventuelles erreurs de traduction ou de sens. Mon usage eventuel de chat gpt restera dans ces lignes : ponctuel, avec relecture et esprit critique. Dans tous les cas, je veille à sourcer au mieux mes informations avec citation des publications et articles et la méthode des graines d’informations (qui mettent à disposition des lecteurs ma matière première et leur permet de se faire facilement une interpération autre que la mienne) constituent pour moi des gardes fous.

A ce propos, j’ai mis en ligne le fichier des graines d’informations remis à jour et j’ai ajouté au chapitre un liste des graines qui ont servis à la rédaction de ce chapitre.

Sources

  • Capra, F. (1999) – Éco-littératie : vers une éducation à la pensée écosystémique http://www.lilianricaud.com/travail-en-reseau/eco-litteratie-vers-une-education-a-la-pensee-ecosystemique
  • Capra, F. et Luisi, P.L. (2014) The Systems View of Life.
  • Correia, L., Sebastião, A.M. & Santana, P. (2016) – On the Role of Stigmergy in Cognition
  • Crouzet, T. (2007) – Le peuple des connecteurs.
  • Dehmelt, L. (2014) – Cytoskeletal self-organization in neuromorphogenesis https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4199815/
  • De Palo, et al. (2017) – A critical-like collective state leads to long-range cell communication in Dictyostelium discoideum aggregation.
  • Fister et al. (2013) – A comprehensive review of firefly algorithms – https://arxiv.org/pdf/1312.6609
  • Giuggioli et al, (2013) – Stigmergy, collective actions, and animal social spacing; https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1307071110#fig01]
  • Glade, N. (2012) – On the Nature and Shape of Tubulin Trails: Implications on Microtubule Self-Organization – Acta Biotheoretica 60(1-2):55-82
  • Gloag, E.S. et al (2014) – Bacterial Stigmergy: An Organising Principle of Multicellular Collective Behaviours of Bacteria
  • Gloag E.S., Turnbull L.,Javed M.A., Wang H.,Gee M.L. Wade, S.A. & Whitchurch C.B. (2016) – Stigmergy co-ordinates multicellular collective behaviours during Myxococcus xanthus surface migration.
  • Grassé, P.P. (1959)
  • Guespin-Michel, J. (2015) – Émancipation et pensée du complexe. http://www.revolutionducomplexe.fr/emergence
  • Heylighen, F. (2015) Stigmergy as a universal coordination mechanism II: Varietiesand evolution
  • Johnson, S. (2001) – Emergence
  • MacDowall, LJ. (2015) – Graffiti, Street Art and Stigmergy;
    https://www.academia.edu/12567456/Graffiti_Street_Art_and_Stigmergy
  • Meadows, D. (2008). Thinking in systems. A primer. Traduit en français sous le titre « Pour une pensée systémique » (2023).
  • Moussaid, M. (2010) – Étude expérimentale et modélisation des déplacements collectifs de piétons, thèse de doctorat.
  • Muffatto M. & Faldani M. (2003) Open Source as a Complex Adaptive System, Emergence, 5(3), 83–100. https://www.researchgate.net/profile/Moreno-Muffatto/publication/240156912_Open_Source_as_a_Complex_Adaptive_System/links/54490eca0cf244fe9ea212e5/Open-Source-as-a-Complex-Adaptive-System.pdf#page=85
  • Tabony, J. (2006) – Microtubules viewed as molecular ant colonies.
  • Wikipédia – Algorithme de colonies de fourmis – https://fr.wikipedia.org/wiki/Algorithme_de_colonies_de_fourmis
  • Wikipédia – Auto-organisation – https://fr.wikipedia.org/wiki/Auto-organisation
  • Wikipédia – Boids – https://fr.wikipedia.org/wiki/Boids
  • Wikipédia – Cadenas d’amour – https://fr.wikipedia.org/wiki/Cadenas_d%27amour
  • Wikipédia – Dictyostelium discoideum – https://fr.wikipedia.org/wiki/Dictyostelium_discoideum
  • Wikipédia – Effet boule de neige – https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_boule_de_neige « Effet boule de neige »)
  • Wikipédia – Effet_Larsen – https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Larsen
  • Wikipédia – Émergence – https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mergence
  • Wikipédia – Le jeu de la Vie – https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_de_la_vie
  • Wikipédia – hystérésis – https://fr.wikipedia.org/wiki/Hyst%C3%A9r%C3%A9sis
  • Wikipédia – Myxobactéries –
  • Wikipédia – Rétroaction – https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9troaction
  • Wikipédia – Stigmergie – https://en.wikipedia.org/wiki/Stigmergie
  • Wikipédia – Termite – https://en.wikipedia.org/wiki/Termite#Communication

 

 

## Graines d’information

La rédaction de ce chapitre s’est appuyée sur les graines suivantes :

Stigmergie insectes
[[__stigmergie_termites]]
[[__stigmergie_fourmis]]
[[__stigmergie_fourmis2]]

Stigmergie cellules
[[__stigmergie_bacteries]]
[[__collective_cell_migration]]
[[__stigmergie_amibes]]
[[__stigmergie_tubuline]]

Stigmergie humaine
[[__stigmergie_humaine]]
[[__stigmergie_marches_financiers]]
[[__groupes_cyclistes]]
[[__trafic_routier]]

Stigmergie villes

Stigmergie technologie
[[__stigmergie_en_ligne]]
[[__stigmergie_wikipedia]]
[[__stigmergie_logiciel_libre]]
[[__stigmergie_these_elliott]]

 

animaux
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